Pour répondre à Milie...

Sujet: La liberté de penser est-elle inaliénable? J'ai trouvé ce sujet intéressant et se rapprochant de ton sujet Milie... c'est un pch'tit clin d'oeil!!!

A la liberté de penser s'oppose, en premier lieu, la contrainte civile. On dit, il est vrai, que la liberté de parler ou d'écrire peut nous être ôtée par une puissance supérieure, mais non pas la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d'autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? Aussi bien, l'on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser — l'unique trésor qui nous reste encore en dépit de toutes les charges civiles et qui peut seul apporter un remède à tous les maux qui s'attachent à cette condition.
En second lieu, la liberté de penser est prise au sens où elle s'oppose à la contrainte exercée sur la conscience. C'est là ce qui se passe lorsqu'en matière de religion en dehors de toute contrainte externe, des citoyens se posent en tuteurs à l'égard d'autres citoyens et que, au lieu de donner des arguments, ils s'entendent, au moyen de formules de foi obligatoires et en inspirant la crainte poignante du danger d'une recherche personnelle, à bannir tout examen de la raison grâce à l'impression produite à temps sur les esprits.
En troisième lieu, la liberté de penser signifie que la raison ne se soumette à aucune autre loi que celle qu'elle se donne à elle-même. Et son contraire est la maxime d'un usage sans loi de la raison — afin, comme le génie * en fait le rêve, de voir plus loin qu'en restant dans les limites de ses lois. Il s'ensuit comme naturelle conséquence que, si la raison ne veut point être soumise à la loi qu'elle se donne à elle-même, il faut qu'elle s'incline sous le joug des lois qu'un autre lui donne ; car sans la moindre loi, rien, pas même la plus grande absurdité ne pourrait se maintenir bien longtemps. Ainsi l'inévitable conséquence de cette absence explicite de loi dans la pensée ou d'un affranchissement des restrictions imposées par la raison, c'est que la liberté de penser y trouve finalement sa perte. Et puisque ce n'est nullement la faute d'un malheur quelconque, mais d'un véritable orgueil, la liberté est perdue par étourderie au sens propre de ce terme.

Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ? (III)
tr. fr. Philonenko, éd. Vrin, pp. 86-87
KANT

Comments

[Lul'oups]

Ouhlala, ça y va fort dans le coin!!

[chris]

belle definition de la pensee weedoo, pour faire bref je dirai que meme si on est en baisse de regime ,il est necessaire de s'exprimer aussi par la parole car une fois que la pensee est exprimée avec diplomatie et amour meme si le recepteur n'a pas la meme vision ou philosophie il aura ecouté,peut-etre pas compris mais ecouté; et pour celui qui s'est exprimé il aura évité divers vilains maux.
amitié.

[Magel]

C'est vrai souvent, et si j'ai bien compris, moi aussi j'ai l'impression de nager parfois dans la Science Fiction, lol.
"La pensée n'a de sens que si elle est exprimée, sinon elle ne sert à rien": ça c'est bien vrai, mais j'avoue que parfois, quand je suis en baisse de régime, je préfère m'abstenir de penser très fort et à voix haute... Mais je reste toujours, c'est mon souhait le plus profond, dans l'intégrité et l'écoute, tout en sachant que rien n'est jamais acquis dans la vie!!!
Pour m'exprimer alors, je préfère la création graphique, la peinture...

[wendoo]

Tu peux lire des extraits de Rousseau sur la volonté générale ( le pouvoir du peuple ) comme fondement de la démocratie moderne. L'idée, c'est que les droits individuels sont inaliénables.
Quant à la liberté de penser, elle ne peut se concevoir sans la liberté d'expression, laquelle ne peut se concevoir sans le droit de l'individu, donc on peut logiquement en conclure qu'elle est en effet inaliénable.

Personnellement, je trouve que quand on aborde la question de liberté de penser, on vire un peu dans la SF dans le sens où on anticipe sur un monde où un gouvernement tyrannique, manipulateur et sans scrupules ( ce qui hélas existe dans le présent ...) "fiche" les gens pour les empecher de penser. Comme si pensée = rebellion. Faut dire que le sens critique a tjs fichu ( légitimement ) la trouille aux tyrans. Ce n'est pas pr rien que les nazis ont tué nombre d'artistes et d'intellectuels car ils les jugeaient dangereux : forcément ils n'adhéraient pas au parti nazi !
La pensée n'a de sens que si elle est exprimée, sinon elle ne sert à rien.